La révolution des imprimantes 3D

Chris Anderson : « L’imprimante 3D aura plus d’impact que le Web »

  L’ex-patron du magazine Wired annonce une nouvelle révolution, celle des « makers », capables de réaliser des objets chez eux grâce à des machines pas cher.

 

Chris Anderson lors d’une conférence en Corée du Sud (Lee Yong-ho/EyePres/NEWSCOM/SIPA) 
Journaliste et écrivain à succès, Chris Anderson est l’une des voix les plus écoutées aux Etats-Unis pour qui s’intéresse aux révolutions numériques en cours. 




   
Il est notamment connu pour sa théorie de la « longue traine » : vendre peu d’unités d’une grande quantité de produits, modèle économique adopté par des sites de e-commerce comme Amazon ou Netflix.
Dans « Free ! Entrez dans l’économie du gratuit », il expliquait comment une entreprise pouvait gagner de l’argent en s’appuyant sur la diffusion gratuite de ses contenus.
Chris Anderson vient de quitter son poste à la tête de Wired, magazine de référence sur tous ces sujets, pour se consacrer à 3D Robotics, fabricant de drones grand public.
 
Vous venez d’annoncer votre départ de l’un des postes les plus recherchés dans les médias... Vous en aviez assez d’être classé parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde par le magazine Time ?
 
J’ai surtout besoin de ce nouveau défi. J’ai passé douze ans chez Wired. Le magazine a connu une année 2012 record après avoir doublé son lectorat en dix ans. C’est le bon moment pour partir.
 
Et les drones, c’est une passion ?
 
Disons que c’est un hobby qui devient une nouvelle opportunité de carrière. J’ai créé 3D Robotics il y a trois ans avec un ami, Jordi Muñoz. Comme ça. Pour essayer.
La société, qui a son quartier général à San Diego, son usine à Tijuana, de l’autre côté de la frontière mexicaine, et bientôt son bureau de vente et de marketing à San Francisco, a grandi rapidement. Nous avons déjà une quarantaine d’employés.
La croissance est au rendez-vous. J’ai décidé de l’accompagner et d’en devenir le PDG. D’autant que nous venons de décrocher un financement de 5 millions de dollars.
Dans « Makers, la nouvelle révolutions industrielle », vous parlez de votre grand-père Fred Hauser, un émigré bernois qui a débarqué aux Etats-Unis à la fin des années 40 et qui a inventé le système actuel d’arrosage automatique des gazons.
 
 C’est lui qui vous a donné le virus ?
 


Couverture de « Makers », de Chris Anderson

Pas vraiment. Il m’a beaucoup montré, beaucoup expliqué, mais je n’ai plus rien fait de mes mains jusqu’à il y a cinq ans environ. Je n’avais ni les connaissances, ni la formation, ni le matériel, ni les outils, à l’époque encore très chers.
Depuis, tout a changé avec les nouvelles technologies, et les prix tant des pièces que des machines ont baissé. Par exemple, je vais bientôt recevoir une machine CNC [machine-outil à commande numérique] à la maison. Et j’ai acquis une imprimante 3D qui me permet de réaliser concrètement des projets avec mes enfants. C’est d’ailleurs avec eux que j’ai commencé à « faire ».
Depuis, j’ai un atelier et nous passons nos week-ends à fabriquer des objets. Ça va d’une maison pour poupées à une guillotine pour un projet scolaire, en passant par des cadeaux. Mes cinq enfants utilisent très régulièrement notre imprimante 3D. Ils dessinent leurs projets sur un programme de CAO [conception assistée par ordinateur, ndlr], gratuit sur le Net, puis ils les réalisent.
S’ils ont une idée, ils savent qu’ils peuvent essayer, se tromper et recommencer. Pour eux, c’est aussi une opportunité de faire quelque chose avec leur père. C’est comme un jeu qui ne nécessite pas de connaissances particulières. Tout est sur le Web. Tous ces outils libèrent notre créativité. 


 
Où est la révolution industrielle dans cet exemple ? Pour être franc, cela ressemble plus à du bricolage qu’à un moment clé de notre histoire…
 
La révolution numérique n’a pas commencé avec les premiers ordinateurs, lesquels remontent aux années 40. Elle est arrivée avec l’ordinateur individuel, qui est apparu dans les années 80 puis par Internet dans les années 90. La clé n’était pas la technologie, mais la démocratisation de cette technologie.
Les révolutions qui changent la culture, la manière de commercer, de vivre, de consommer, de penser et l’économie débutent quand vous mettez le pouvoir dans les mains de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.
 
 
Mais quel est le lien avec l’industrie ?
 
Prenons l’exemple de l’imprimerie. A une certaine époque, il fallait passer par des entreprises spécialisées pour réaliser un rapport, des cartes de visite ou des albums de photos.
Aujourd’hui, c’est à la portée de tous, depuis chez soi, grâce aux programmes de mise en pages et aux imprimantes couleur, laser ou jet d’encre. La baisse des prix de ces technologies a révolutionné l’industrie de l’impression. 

Pour le meilleur et pour le pire aussi…
 
La question n’est pas là. Rien ne peut arrêter l’arrivée d’une technologie utile aux gens. Les makers le prouvent. Continuellement, ils créent de nouveaux objets utiles ou non, des bijoux, des jouets, des drones… On imprime des voitures (comme une copie de l’Aston Martin DB5 dans le dernier James Bond, ndlr), des prothèses, des armes...
Enfin, tout est possible désormais. Du plastique à la céramique en passant par le fer. Pour moi, elle est là, la révolution. Nous pouvons tout faire ou presque grâce aux baisses de prix sur le matériel électronique. Tout comme celui des imprimantes 3D dont les premiers prix tournent autour de 2 000 dollars, les scanners 3D ou les machines à découpage laser.
 
 
Cela va changer notre manière de vivre, d’acheter, de consommer ?
 
Le Web s’en est déjà chargé. Et c’était il y a vingt ans. Cette nouvelle révolution industrielle va changer la nature des produits et la manière de les fabriquer… Depuis la révolution industrielle, nous considérons la production comme une production de masse. Pour gagner de l’argent, il faut, disons, fabriquer 10 000 produits.
Aujourd’hui, avec les imprimantes 3D notamment, on peut inverser cette donne. On peut créer 10 000 produits différents au même prix unitaire qu’un seul à 10 000 unités. La démocratisation des technologies ouvrira de nouvelles perspectives. Pour moi, l’imprimante 3D va être plus forte que le Web. Les makers vont changer le monde.

Faut-il y voir une forme de compétition entre l’industrie classique et cette industrie artisanale ?
Toutes proportions gardées, c’est comme les blogs en compétition avec les journaux. C’est une alternative. L’information n’est pas uniquement transmise par des journaux.
 
Les makers vont inventer de nouvelles classes de produits. Ils ne vont pas détruire les productions de masse. Mais, surtout, nous pourrons gagner en vitesse de production. 

Les Chinois, que vous connaissez bien pour avoir vécu à Hong Kong, en tremblent-ils ?
Je ne le pense pas. Les Chinois sont capables de produire vite et bien. Ils peuvent évoluer. Ils sont bon marché. Je ne m’inquiète pas.
 
En fait, je ne crois pas qu’il y aura un perdant. YouTube n’a pas, par exemple, tué Hollywood. Le Web n’a pas tué les journaux. La télévision n’a pas tué la radio. Cela agrandit le gâteau. Cela a dynamisé le marché. 

Une manière de lutter contre la désindustrialisation qui touche de nombreux pays occidentaux ?
Difficile à dire. Nous en sommes aujourd’hui au même niveau qu’à l’arrivée du Macintosh sur le marché en 1984. Cette technologie n’est pas encore mûre. Mais c’est le début d’une tendance lourde. Dans cinq ans, les imprimantes 3D se vendront dans les grands magasins comme des imprimantes normales.
 
Elles sont déjà présentes dans certaines écoles. Et même si les enfants ne savent peut-être pas ce que cela représente vraiment, ils ont compris qu’elles étaient utiles et faciles d’emploi. Comme un iPhone, par exemple.
Il y a un vrai retour du « do it yourself » aux USA avec la 3D dont le marché se monte à plus d’un milliard de dollars, ou encore avec l’« urban farming », la production de produits agricoles sur le toit des immeubles des grandes villes. Des citadins réapprennent même à tuer des animaux dans les fermes alentour ou à fabriquer leur propre vélo. 

Comment faut-il analyser ce mouvement ? Comme une réaction à la globalisation ? Comme une forme d’indignation contre une économie toute puissante ? Comme un mouvement politique ?
 
Plutôt social. Les makers sont des gens de la génération web qui veulent recréer l’univers de l’internet dans le monde réel. Ce sont des personnes qui ont l’instinct de travailler ensemble, de partager, de créer des communautés avec leur réflexion.
 
Au lieu de les laisser sur le Web, ils les façonnent désormais, tout en faisant parfois de l’argent. Mais ce n’est pas le but. Personnellement, je n’ai pas commencé à fabriquer mes drones pour gagner de l’argent, mais pour essayer, pour tester, pour m’amuser aussi.
 
 
Une nouvelle forme de capitalisme ?
 
Au contraire, c’est la plus ancienne forme de capitalisme dans l’histoire. On invente, on produit, on vend. Comme sur la place du village. En revanche, c’est une manière complètement nouvelle d’innover parce que nous nous accrochons plus à notre propriété intellectuelle. On ne la protège pas. On travaille dans le public, sur le Web. On est transparent. Et ça marche.
 
Notre succès avec 3D Robotics le prouve. C’est ainsi que cela progresse le plus rapidement en s’appuyant sur une communauté d’intérêt, sur les idées de chacun, sur leur créativité et l’open source. D’ailleurs nous utilisons Arduino, une plateforme ouverte. Le partage, c’est l’avenir de notre économie. 


Publié initialement sur
L'Hebdo
 
2012un-nouveau-paradigme.com
 

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