Marie-Monique Robin, une vrai journaliste en lutte, pour une nouvelle révolution agricole


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Journaliste d'investigation, réalisatrice et écrivain


Le plus gros mensonge proféré par l'industrie chimique

Marie Monique Robin est journaliste et documentariste, née à Gourgé (Deux Sèvres). Après avoir suivi des études en Allemagne, elle travaille pour France 3 régional, pour des agences de productions audiovisuelles, puis 10 ans pour CAPA, avant de poursuivre son activité en free-lance. Réputée pour son travail d’investigation très précis, très rigoureux, Marie Monique Robin a réalisé plus d’une trentaine de documentaires à travers lesquels s’exprime son engagement en faveur des droits de l’Homme. Ce qui l’intéresse avant tout est d’informer « pour que les citoyens et les citoyennes puissent agir sur le monde qui les entoure ».
En 1995, elle reçoit le Prix Albert Londres pour ses documentaires « Voleurs d’organes » et « Voleurs d'yeux ». Réalisés en Amérique Latine, Afrique, Europe ou Asie, ses documentaires dénoncent la torture aux USA, les dictatures d’Amérique du Sud, les dérives de la lutte contre la pédophilie ou les pratiques de l’entreprise Monsanto, leader mondial des OGM.
 Marie Monique Robin a reçu une dizaine de prix internationaux dont le prix norvégien Rachel Carson en 2009.



Couronnée par une trentaine de prix internationaux, Marie-Monique Robin est l'auteure des films et livres Le monde selon Monsanto et Notre poison quotidien. Après avoir dénoncé les méfaits du modèle agro-industriel, elle boucle sa trilogie avec Les moissons du futur
"Ne faisons pas croire aux Français que l'on pourra cultiver des pommes, des poires ou des fruits sans aucun pesticide: ça a toujours existé et ça continuera d'exister..." C'était le 21 février 2011, dans l'émission "Mots croisés" de France 2, animée par Yves Calvi. Intitulé "Du poison dans nos assiettes", le débat réunissait Bruno Le Maire, alors ministre de l'Agriculture, qui a prononcé cette phrase, Jean-René Buisson, le président de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), José Bové, député européen d'Europe Écologie Les Verts, et moi-même. J'avais été invitée à l'occasion de la sortie de mon film et livre Notre poison quotidien, où je démontrais l'inefficacité de la réglementation des produits chimiques qui contaminent la chaîne alimentaire, comme les pesticides, les additifs et les plastiques alimentaires. Enfonçant le clou, Jean-René Buisson avait, de son côté, martelé: "Il faut rappeler qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de solution totalement alternative aux pesticides. Et d'autre part: comment on nourrit les gens? Je vous rappelle les chiffres: si on fait des produits absolument sans pesticides, c'est 40% de production en moins, 50 % de coûts en plus."




Aller à la 13e minute.


"Ne faisons pas croire aux Français que l'on pourra cultiver des pommes, des poires ou des fruits sans aucun pesticide: ça a toujours existé et ça continuera d'exister..." C'était le 21 février 2011, dans l'émission "Mots croisés" de France 2, animée par Yves Calvi. Intitulé "Du poison dans nos assiettes", le débat réunissait Bruno Le Maire, alors ministre de l'Agriculture, qui a prononcé cette phrase, Jean-René Buisson, le président de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), José Bové, député européen d'Europe Écologie Les Verts, et moi-même. J'avais été invitée à l'occasion de la sortie de mon film et livre Notre poison quotidien, où je démontrais l'inefficacité de la réglementation des produits chimiques qui contaminent la chaîne alimentaire, comme les pesticides, les additifs et les plastiques alimentaires. Enfonçant le clou, Jean-René Buisson avait, de son côté, martelé: "Il faut rappeler qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de solution totalement alternative aux pesticides. Et d'autre part: comment on nourrit les gens? Je vous rappelle les chiffres: si on fait des produits absolument sans pesticides, c'est 40% de production en moins, 50 % de coûts en plus."


"Il faut changer de cap"
"Diantre !, m'étais-je dit, les chiffres avancés par l'ancien secrétaire général du groupe Danone ont l'air sérieux! Et je m'étais jurée d'en rechercher la source, car, bien sûr, le patron de l'industrie agroalimentaire s'était bien gardé de la fournir. Je m'étais dit aussi que le bon vieux "There is no alternative" (Tina), lancé en 1980 par Margareth Thatcher, et décliné à l'envi par les promoteurs de l'agriculture chimique, comprenait une zone d'ombre que ceux-ci sont prompts à oublier: malgré les sommes colossales englouties pour le développer depuis un demi-siècle, le modèle agro-industriel n'est pas parvenu à "nourrir le monde". Loin s'en faut. D'après la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, 925 millions de personnes souffraient de la faim en 2010, tandis que la malnutrition et les maladies qui y sont associées tuent, chaque année, 7 millions d'enfants.

LIRE AUSSI:
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Deux semaines après l'émission "Mots croisés", j'étais au Palais des Nations unies de Genève pour assister à un événement qui m'a définitivement convaincue que je devais reprendre la route. Le 8 mars 2011, en effet, Olivier de Schutter, le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, présentait un rapport intitulé "Agroécologie et droit à l'alimentation", qui a dû passablement irriter les vendeurs de poisons agricoles et leurs relais politiques.

"Au sein de la communauté scientifique, un constat s'impose: il faut changer de cap, a dit l'expert onusien. Les recettes anciennes ne valent plus aujourd'hui. Les politiques de soutien à l'agriculture visaient à orienter celle-ci vers l'agriculture industrielle. Il faut à présent qu'elles s'orientent vers l'agroécologie, partout où cela est possible."

Le livre de Marie-Monique Robin, Les moissons du futur, publié aux éditions La Découverte/Arte Editions..
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Dans son allocution, Olivier de Schutter a rappelé quelques vérités qui dérangent: alors qu'elle devrait être captatrice de carbone, l'agriculture industrielle est responsable de 14% des émissions de gaz à effet de serre, car c'est une grande consommatrice d'engrais et de pesticides chimiques, fabriqués avec du pétrole et du gaz. En d'autres termes: notre production agricole commence dans les champs pétroliers et gaziers du Moyen-Orient et d'Asie. Une aberration économique, quand on sait que le prix de ces énergies fossiles ne va cesser d'augmenter, en raison de leur épuisement annoncé. Peut-on sortir de cette impasse programmée, en promouvant un autre modèle agricole, capable véritablement de nourrir le monde, de manière durable et moins coûteuse? 

Le plus gros mensonge proféré par l'industrie
C'est pour répondre à cette question que j'ai décidé d'entamer un nouveau tour du monde. Visant à comprendre ce qu'est l'agro-écologie et quels sont ses résultats sur le terrain, ma quête m'a conduite dans quatre continents et dix pays. En partant, j'avais complètement intégré cette autre "vérité établie" qui affirme que l'agriculture biologique entraîne inéluctablement une baisse substantielle des rendements. Je m'étais dit que cette réduction n'était pas si dramatique, si elle était compensée par la baisse des "externalités", à savoir des coûts indirects générés par le modèle agro-industriel, lesquels ne sont jamais pris en compte lorsque sont fixés les prix des aliments issus de l'agriculture dite "conventionnelle": coûts environnementaux (pollution de l'eau et de l'air, destruction de la biodiversité, épuisement des ressources aquifères, érosion des sols), et coûts sanitaires (paysans malades ou morts, impact sur la santé des consommateurs). 

Et là, je dois dire que ce que j'ai découvert a dépassé toutes mes espérances, l'argument des rendements s'avérant l'un des plus gros mensonges proférés par l'industrie chimique! En Allemagne, par exemple, Manfred et Friedrich Wenz, qui pratiquent les "techniques culturales simplifiées" (pas de labour ni sols nus, couvert végétal permanent et semis direct) obtiennent des rendements similaires, à ceux de leurs voisins conventionnels, et même supérieurs, lors d'épisodes de sécheresse (été 2003) ou de coups de froid (février 2011). Et quand on demande aux deux agriculteurs biologiques, comment ils contrôlent les "mauvaises herbes" et les "ravageurs", ceux-ci répondent, sans hésiter: "Quand on a un sol sain et plein d'humus, ces fléaux disparaissent!"

Regarder ici l'extrait des Moissons du futur mettant en scène ces deux exploitants allemands.
Même constat au Kenya, où le professeur Zeyaur Khan a développé une technique de contrôle biologique de la pyrale du maïs, le petit papillon nocturne qu'est censé combattre le fameux MON 810, le maïs transgénique de... Monsanto. Grâce à l'association de deux plantes -le desmodium, une légumineuse qui constitue un excellent engrais naturel, et présente la faculté de repousser les pyrales qui n'aiment pas l'odeur qu'elle dégage; et l'herbe à éléphant, qui, elle, attire les pyrales aux abords du champ en tuant leurs larves- 50.000 paysans sont venus à bout du ravageur, en multipliant leurs rendements par dix (technique du "push-pull")!
Au Malawi, j'ai vu les résultats spectaculaires de l'agroforesterie, où les feuilles de gliricidia, un arbre légumineux, sont utilisées comme engrais vert, permettant de tripler les rendements du maïs! 

En France, dans le domaine de Restinclières (Hérault), Christian Dupraz mène depuis plus de vingt ans, un programme d'agroforesterie que devrait visiter de toute urgence Stéphane Le Foll, notre nouveau ministre de l'agriculture. L'agronome de l'Inra y cultive du blé à l'ombre de noyers qu'il a plantés à raison d'une centaine à l'hectare. N'affectant pas les rendements, ce mariage des arbres et des cultures permet de restaurer la fertilité des sols, de lutter contre les stress climatiques et d'apporter des revenus complémentaires aux paysans.

Une nouvelle "révolution agricole"

Pas l'ombre d'un doute: l'agro-écologie -qui bannit les monocultures et repose sur l'équilibre des écosystèmes grâce à la complémentarité des cultures, des arbres et des animaux- a la capacité de nourrir les neuf milliards d'habitants que comptera la planète en 2050, à condition toutefois que les pouvoirs publics engagent une véritable "révolution agricole". Celle-ci implique une "volonté politique" que plusieurs rapports de l'Onu ont appelé de leurs vœux et sans laquelle un changement de cap massif est impossible: d'abord, il faut "rattraper cinquante ans de retard dans la recherche", ainsi que me l'a expliqué Hans Herren, le président de l'Institut du Millénaire de Washington. Il faut que les "ermites de laboratoire", comme l'écrivait déjà le Britannique Albert Howard, l'un des pères fondateurs de l'agriculture biologique dans son Testament agricole (1940), sortent de leur tour d'ivoire pour travailler avec les paysans, dont le savoir-faire est précieux. Et puis, "il faut soutenir activement et publiquement les petits producteurs", ainsi que l'a souligné Ulrich Hoffmann, un expert onusien de la Cnuced. 

Dans le film, on voit comment l'Accord de libre échange nord-américain (Alena) a anéanti l'agriculture familiale et vivrière du Mexique, à cause de l'importation massive de maïs américain subventionné et vendu au-dessous de son prix de production. On voit aussi comment, à l'inverse, le Sénégal a réussi à enrayer la spirale infernale de l'exode rural (et de l'immigration clandestine) en interdisant les importations des surplus d'oignons européens pendant la période de production nationale. 

Ces deux exemples, ainsi que celui du Japon, où sont nés les teikei (l'ancêtre des Amap), montrent que les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres et qu'il faut les arracher des griffes des spéculateurs, en promouvant les circuits courts de distribution.
Enfin, au Nord, il faut soutenir les agriculteurs européens, en réorientant les subventions agricoles vers l'indispensable conversion agroécologique. J'espère que ceux qui travaillent actuellement à la réforme de la Politique agricole commune (Pac), annoncée pour 2013, sauront résister au lobbying puissant de l'industrie chimique, pour que triomphent les moissons du futur...

 source huffingtonpost.fr

Documentaires - films et livres, sélection :
  • 2012, Les moissons du futur. Comment l'agroécologie peut nourrir le monde (livre édité à La Découverte/ film diffusé sur Arte)
  • 2011, Notre poison quotidien (livre édité à La Découverte / film diffusé sur Arte)
  • 2009, Torture made in USA (film)
  • 2008, Le monde selon Monsanto (livre édité à La Découverte / film diffusé sur Arte)
  • 2003, Les escadrons de la mort, l’école française (livre édité à La Découverte)
  • 1993, Voleurs d’organes (édité chez Bayard / film diffusé sur Planète Câble/Canal + Espagne/ARD)
  • 1995, Voleurs d’yeux (film diffusé sur M6)

Lien externe :
Site de Marie-Monique Robin : www.mariemoniquerobin.com

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