En Inde, le trek qui traque les idées neuves


En Inde des milliers de paysans sortent de la pauvreté grâce à leurs innovations
Identifier, recenser et favoriser la commercialisation des innovations de paysans pauvres, tel est l’objectif de l’ONG indienne Honey Bee Network. A l’image d’un essaim d’abeilles qui butinent en quête de découvertes, l’organisation a inventorié pas moins de 160.000 innovations depuis 25 ans. Le réseau permet aux inventeurs anonymes et isolés de sortir de la pauvreté en partageant leurs savoirs et commercialisant leur trouvaille.
Rompre l’asymétrie sociale


Pour Anil Gupta, fondateur d’Honey Bee Network, Maslow « se trompe lorsqu’il affirme qu’on doit avoir le ventre plein pour avoir des idées ». Dépourvus de ressources matérielles, les pauvres développent ce qu’ils ont le plus : l’imagination. Partant de ce postulat et d’une expérience de consultant au Bangladesh en 1985, ce professeur d’économie croit fermement en la créativité sans bornes des millions de villageois pauvres qu’abritent les campagnes reculées de son pays.
En recensant chaque année des innovations et facilitant leur commercialisation, le réseau Honey Bee permet aux inventeurs anonymes de profiter des fruits de leur créativité et d’éviter ainsi que celle-ci soit récupérée puis exploitée par des firmes à leur insu.  L’ONG bat en brèche la logique d’une asymétrie de la connaissance entretenant l’asymétrie sociale. Au fil des années, le projet n’a de cesse de révéler combien les régions pauvres économiquement sont riches de connaissances.
Pollinisation des savoirs
Le réseau compte à ce jour 160.000 innovations dans sa base de données.  « Les abeilles connectent les fleurs entre elles grâce à la pollinisation et en extraient le nectar sans leur causer de tort, explique le professeur Gupta. C’est la même chose avec Honey Bee Network, qui va chercher les idées dans les campagnes sans voler les paysans. »
Grâce à cette pollinisation des savoirs, les individus peuvent profiter de leurs découvertes mutuellement. Le tamis ramasse-cacahuètes développé par un agriculteur profite au villageois des côtes qui l’adapte pour nettoyer les plages. L’imagination féconde essaime alors dans des domaines variés : énergie, transports, agriculture, alimentation, médicaments, produits vétérinaires…
Favoriser la commercialisation
Entouré d’animateurs du réseau, Anil Gupta prend deux fois par an son bâton de pèlerin et sillonne les provinces indiennes à la rencontre d’anonymes. C’est lors de ces  « Shodh Yatra »  (voyages d’exploration) que les membres d’Honey Bee dénichent de nouvelles inventions.
Une fois identifiée, validée et répertoriée, toute innovation peut être librement utilisée par les paysans. Mais dès lors qu’une société s’y intéresse, celle-ci doit s’acquitter de royalties et une licence est alors mise en place.  De sorte qu’une part importante des revenus du produit développé revienne à celui qui l’a créé. Depuis sa naissance, Honey Bee a déposé 509 brevets et placé sous licence 64 technologies en faveur de 78 entrepreneurs.
Un concept qui s’exporte
Il arrive que l’ingéniosité des paysans indiens franchisse les frontières. Parfois jusqu’à très loin. A l’instar de la pompe à eau alimentée par une éolienne qui a vu le jour dans les mines de sel indiennes. Le procédé a atterri au cœur de l’Arctique canadien où il est utilisé à des fins de production énergétique.
Honey Bee séduit également les plus grandes écoles de management du monde qui l’enseignent en étude de cas. Mieux encore, le projet fait des émules dans d’autres pays où il est désormais reproduit comme au Brésil, en Afrique du Sud ou encore en Chine.
Anil Gupta invite d’ailleurs les pays occidentaux à faire de même. « Je souhaite que tous les chefs d’Etat, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Australie, récompensent la créativité, la culture, l’esprit de collaboration des personnes simples qui réussissent à résoudre des problèmes immenses grâce à leur génie personnel » lançait-il il y a peu sur les ondes de RFI.
Acheter aux pauvres plutôt que de leur vendre
Anil Gupta / © TED
Avec Honey Bee, Anil Gupta va clairement à rebours de la théorie du « Bottom of the Pyramide »  (bas de la pyramide) promue par son célèbre concitoyen le professeur C. K. Prahalad. Suivant ce concept, les entreprises développent à grande échelle des produits bon marché adaptés aux porte-monnaie des populations pauvres pour les inciter à consommer.
« Nous proposons exactement le contraire. Lui voulait que les grandes entreprises puissent vendre aux pauvres. Nous, nous voudrions qu’elles leur achètent, confiait-il aux Echos le mois dernier. Les gens qui se trouvent au bas de la pyramide économique ne sont pas au bas de la pyramide des connaissances, ni au bas de celle de l’innovation, et encore moins au bas de celle de l’éthique. Nous ne sommes pas le bas de la pyramide, mais la pointe émergée de l’iceberg. Plutôt que de parler de « BOP » [bottom of the pyramide], je préférerais qu’on parle de « TOI » [tip of the iceberg]. Le vrai développement, c’est augmenter les ressources des individus au lieu de les diminuer ».
Incubateur de 300.000 étudiants
Outre l’entité dédiée à commercialisation des inventions et à la négociation des licences, Honey Bee a aussi mis sur pied en partenariat avec la SCID, banque publique indienne des PME, un fonds d’investissement doté d’un capital d’1 million de dollars.
Egalement né sous les auspices de l’ONG, l’incubateur Techpedia permet quant à lui à quelque 300.000 étudiants issus de 500 universités de développer en collaboration avec des PME des innovations durables et citoyennes. Un réfrigérateur au GPL ou une chaise roulante capable de monter les escaliers sont par exemple sortis de ce bouillon de créativité étudiante. La pollinisation des savoirs a de l’avenir.
Nicolas Blain
Anil Gupta revient sur la naissance d’Honney Bee :
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