Rêves et inspiration musicale
Et si nos rêves pouvaient contenir toute l’inspiration dont
nous avons besoin pour développer un art ?
Un épisode de ce genre a été décrit par Wagner, qui précisa que l’idée de l’introduction orchestrale de L’Or du Rhin lui était venue après une longue attente passée dans un étrange état crépusculaire – quasi hallucinatoire...
Dans son livre « Musicophilia »,
Oliver Sacks nous rappelle comment certains des plus grands compositeurs ont su
écouter ce que leur soufflaient leurs rêves pour créer leurs plus grandes
œuvres.
© Shujun Wong
Les curieux états intermédiaires entre la veille et le
sommeil (la phase « hypnagogique » qui peut précéder l’endormissement ou la
phase « hypnopompique » qui succède quelquefois au réveil) sont extrêmement
propices aux apparitions d’images oniroïdes ou hallucinatoires. Ces rêveries
hautement visuelles et kaléidoscopiques sont si fugitives qu’on s’en souvient
rarement – mais elles peuvent prendre également la forme d’une hallucination
musicale cohérente. (...)
Chez certains musiciens, toutefois, ces expériences sont
d’autant plus cohérentes et constructives qu’une nouvelle composition incube
depuis des mois dans leur esprit : elles peuvent même permettre de concevoir
des parties d’une œuvre depuis longtemps recherchées.
Un épisode de ce genre a
été décrit par Wagner, qui précisa que l’idée de l’introduction orchestrale de
L’Or du Rhin lui était venue après une longue attente passée dans un étrange
état crépusculaire – quasi hallucinatoire, de fait :
« Après une nuit de fièvre et d’insomnie, je me contraignis
à une promenade dans les environs de la ville, sur les collines couvertes de
forêts de pins. Tout me parut désert et nu et je me demandai ce que j’étais
venu faire là. En rentrant, l’après-midi, je m’étendis sur un canapé très dur,
attendant le sommeil si désiré. Il ne vint pas. Je tombai seulement dans une
sorte de somnolence pendant laquelle il me sembla que soudain je m’enfonçais
dans un rapide courant d’eau. Le bruissement de cette eau prit bientôt un
caractère musical : c’était en « mi bémol » majeur retentissant et flottant en
arpèges ininterrompus ; puis ces arpèges se changèrent en figures mélodiques
d’un mouvement toujours plus rapide, mais jamais le pur accord de « mi bémol »
majeur ne se modifia et sa persistance semblait donner une signification
profonde à l’élément liquide dans lequel je plongeais. Soudain, j’eus la
sensation que les ondes se refermaient en cascade sur moi ; épouvanté, je me
réveillai en sursaut. Je reconnus immédiatement que le motif du prélude de L’Or
du Rhin venait de se révéler tel que je le portais en moi sans être parvenu
encore à lui donner une forme. En même temps, je compris la singularité de ma
nature : c’est en moi-même que je devais chercher la source de vie et non
au-dehors. »
Wagner - Rheingold - Act 1 Ouverture par Flashpoint3
Wagner - Rheingold - Act 1 Ouverture par Flashpoint3
Ravel reconnut que de ravissantes mélodies avaient peuplé
ses songes, et Stravinsky dit à peu près la même chose. En fait, nombre de
grands compositeurs classiques ont parlé de leurs rêves musicaux et s’en sont
souvent inspirés – une brève liste inclurait Haendel, Mozart, Chopin, et
Brahms.
Et Paul McCartney a raconté l’histoire suivante (Barry Miles la rapporte dans son livre) :
Et Paul McCartney a raconté l’histoire suivante (Barry Miles la rapporte dans son livre) :
« Je me suis réveillé avec cet air en tête. J’avais un piano
juste à côté de mon lit, devant la fenêtre. Je m’y suis assis, j’ai plaqué un
accord de sol... Et j’ai trouvé fa dièse septième mineure, et ça m’a amené à
si, puis à mi mineur et enfin retour à sol. Tout ça coulait très logiquement.
J’aimais beaucoup la mélodie, mais comme je l’avais rêvée, je n’arrivais pas à
croire que c’était moi qui l’avais écrite. Je me disais : « Non, non... Je n’ai
jamais écrit comme ça auparavant. » Mais j’avais cet air, totalement magique. »
Musicophilia, Oliver Sacks
Éditions Points (Octobre 2012 ; 502 pages)
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