Philippe Maillard : Le Notre Père des prisonniers.



Écouter les autres, leur dire des mots de fraternité, Philippe Maillard l’a fait longtemps, aussi, comme aumônier de la prison de Loos. Dans son existence, il a toujours associé action et réflexion, prière et rencontre.
Mais depuis son entrée dans l’ordre de Saint Dominique, Philippe Maillard veut vivre au milieu des pauvres. Il parvient à ses fins en 1978. Avec le frère Michel Froidure, il fonde la Communauté du 28, au 28 de la rue de Wattignies, à Lille-Moulins. La porte est ouverte à quiconque y frappe. « Ici, il n’y a plus nos baratin, le brillant ; mais l’authenticité de gens qui sont comme Dieu l’a été, confrontés à l’épreuve du quotidien. »

Habitué à côtoyer la misère de la rue et des prisons, il composa un "Notre Père des prisonniers", des incarcérés, des taulards.



Plus que de grands discours, ou d'hommages divers la lecture de cette prière revue par un homme de terrain au coeur empli de compassion, vous touchera par sa simplicité et son parler vrai.
Ce texte est extrait d'un DVD joint à la revue Sources, éditée par Terre du Ciel, qui rend hommage à Philippe Maillard, prêtre dominicain qui vient de mourir après avoir consacré une grande partie de sa vie aux prisonniers et aux marginaux de toutes sortes, dans le lieu de vie qu’il avait fondé à Lille. 
Je pense que cela valait la peine de l'écouter et de le retranscrire içi et de le partager avec vous. 
C.R.


"Le Notre Père des prisonniers".

Oh toi, que nous pressentons comme l'au-delà de tout. 
Toi, l'inconnaissable, l'indicible. 
Nous ne savons pas comment te nommer.
On nous dit que tu es notre père mais, c'est un mot difficile et qui n'a jusqu'ici, jamais réussi à franchir nos lèvres.

De notre père d'ici bas nous ne savons rien. 
Que l'absence, ou l'indifférence, ou la violence quand  il rentre la nuit bourré comme d'habitude et la hargne parce que nous sommes de trop parce que, on ne lui fait que des ennuis, et le silence, de la honte, parce qu'avant nous, comme nous, il est sans travail bon à rien définitivement inutile, assisté, irrécupérable.

On nous parle, de ton nom, qui est amour de ton règne qui est d'amour, de ta volonté qui est, d'inviter à l'amour, mais, où est l'amour?
Dans notre monde de flics de juges et de matons entre ces murs, gris suintant de toute la souffrance accumulée depuis des siècles, l'amour, est absent. 
Et c'est notre seul malheur.

Et quand nous en pressentons quelques chose malgré tout, parce qu'un copain nous a filé une cigarette ou qu'un visiteur nous a souri, 
que la femme, est au parloir samedi après samedi, 
notre seul bonheur. 

Et toujours menacé, toujours blessé, toujours comme une promesse, un élan fou, 
tout d'un coup la certitude de ce pourquoi nous sommes fait, 
dans un éclair, dans un choc au cœur, à en pleurer. 

Et puis l'absence, à nouveau, et la prison comme un désert parce qu'en dehors de l'amour, 
il n'y a rien.

On nous dit de nous tourner vers toi pour demander le pain de chaque jour, mais nous n'avons besoin de toi pour cela, le pain ça se gagne ou ça se vol d'ailleurs nous ne manquons pas de pain en prison, nous en avons trop nous le jetons par les fenêtres.

A moins qu'il  ne s'agisse, d'un autre pain,  le pain de l'âme, du cœur, de la présence.

Mais surtout surtout, tu nous demandes, de pardonner, comment veut tu que nous pardonnions, à l'ami qui nous a donné aux flics ou qui a profité de notre absence pour prendre notre femme,  que nous pardonnions au policier, au juge, à la foule de tout ceux qui nous aurons blessé, à l'âme.

Notre tentation c'est la haine, c'est elle qui nous tient debout jour après jour, dans l'attente de la vengeance.

Heureusement,  il y a Mozart  et Brel et Rimbeau et Antonin Artaud.  
Tous ces Hommes ils ont pleurés gueulés, chantés les notes les plus hautes malgré les murs de la médiocrité, l'impossible, la mort. 

Heureusement il y a la mort. 
Seule naissance, seule naissance à la vie à l'éternité de l'amour, la mort comme permanente possibilité d'évasion. 

Heureusement il y a, la femme, malgré tout, la beauté la tendresse, la patience de la femme.
Mais, nous ne savons pas aimer, nous ne voulons pas aimer, nous avons peur d'aimer, parfois nous pensons qu'il n'y a pas d'autre solution, que de haïr l'amour, pour nous préserver de l'absence.

Heureusement,  il y a le Christ, le seul qui n'est jamais triché, la colère et la tendresse du Christ jusqu'au bout jusqu'à la fin jusqu'à l'agonie, dans la solitude, jusqu'à la mort, jusqu'au pardon quand tous l'abandonnent, et peut être, qu'avec lui, avec lui seulement,  qu'il nous délivre du malin.

Nous pouvons dire, dans un murmure, Père, Père pardonne nous, d'avoir douté de l'homme.
Père non pas ma volonté mais la tienne. 
Père, pardonne leurs car ils ne savent pas, ils ne peuvent pas savoir.
Père,  entre tes mains, je me remets tout entier.


Amen.



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