Fabienne Verdier : Mademoiselle Fa



Il y a quelques années lorsque j'ai ouvert le livre de Fabienne Verdier, "Passagère du silence", je ne l'ai plus refermé. C'est le récit autobiographique d'une jeune étudiante toulousaine, partie à 20 ans vers la Chine, dans les années 80 sous le coup de la révolution culturelle. Elle est venue s'initier à la calligraphie, à la recherche de vieux Maîtres récalcitrants et craintifs d'un pouvoir totalitaire. Nous partageons son chemin initiatique,  à la recherche de l'intériorité, afin de tracer le trait parfait, celui qui vient du coeur et de l'âme, dans un pays où le simple rappel à une tradition était une faute impardonnable. 
10 ans de vie s'écoule ainsi vers l'apprentissage d'un art millénaire, raconté aussi par Fabienne Verdier à Marie-Pierre Planchon, à ré-écouter ci-dessous. Cette émission me replonge dans le souvenir de la lecture de cet ouvrage passionnant à la découverte incroyable de la Chine des années 80. C.R.


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 "Tout quitter du jour au lendemain pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l'art antique chinois, était-ce bien raisonnable ? Fabienne Verdier ne s'est pas posé la question : en ce début des années 80, la jeune et brillante étudiante des Beaux-arts est comme aimantée par le désir d'apprendre cet art pictural et calligraphique dévasté par la Révolution culturelle. Et lorsque, étrangère et perdue dans la province du Sichuan, elle se retrouve dans une école artistique régie par le Parti, elle est déterminée à affronter tous les obstacles : la langue et la méfiance des Chinois, mais aussi l'insupportable promiscuité, la misère et la saleté ambiantes, la maladie et le système inquisitorial de l'administration... Dans un oubli total de l'Occident, elle devient l'élève de très grands artistes méprisés et marginalisés qui l'initient aux secrets et aux codes d'un enseigne-ment millénaire.
De cette expérience unique sont nés un vrai récit d'aventures et une œuvre personnelle fascinante, qui marie l'inspiration orientale à l'art contemporain, et dont témoigne son extraordinaire livre d'art L'unique trait de pinceau (Albin Michel)."
Pour plus d'information sur les publications de Fabienne Verdier cliquer ici >>> Voir le site des Editions Albin Michel et >>> Voir le site de Fabienne Verdier


Fabienne VERDIER

« Le  souffle vital de la calligraphie »



 Fabienne Verdier est peintre, passionnée de calligraphie chinoise. Son parcours d’artiste est exceptionnel car elle a vécu 10 ans au Sichuan, au fin fond de la Chine communiste des années 1980, pour s’initier à l’art pictural et calligraphique traditionnel dévasté par la Révolution culturelle.
 Elle raconte son expérience unique dans l’ouvrage « Passagère du silence  - Dix ans d’initiation en Chine »  (Editions A.Michel 2003), « livre magnifique nimbé de spiritualité qui suscite un autre regard sur le monde sensible ».


 « Ce que je souhaite retracer ici, c’est le récit d’une peinture, du cheminement suivi pour arriver à ce que je crée aujourd’hui… Je voudrais à la fois décrire les conditions de vie en Chine et montrer en même temps que, dans cet univers carcéral et kafkaïen, survivent encore d’émouvants vestiges d’une magnifique civilisation ».
  L’intérêt du livre de Fabienne Verdier est donc double :
     - la vie difficile d’une jeune étudiante des Beaux-Arts qui se retrouve seule, étrangère et perdue dans une école artistique régie par le Parti et qui doit lutter contre la méfiance des chinois, le système inquisitorial de l’ administration, la misère, la promiscuité et la maladie;
     -  mais aussi son parcours d’élève auprès de grands artistes méprisés et marginalisés qui l’initient aux secrets et aux codes d’un enseignement millénaire, afin de « refléter le souffle vital ».

 Le style précis et imagé de l’ouvrage rend bien compte de la singularité et des contradictions de la Chine, et les anecdotes sur les coutumes souvent curieuses encore en vigueur dans la plupart des régions renforcent l’intérêt du récit. Citons comme exemples la description d’une maison de thé, la pharmacopée traditionnelle, l’apprivoisement des oiseaux et le dressage des grillons pour le combat tel qu’il est pratiqué par un jeune garçon appeléPetit Singe :

 «  Petit Singe possédait un pot en terre cuite décoré d’une divinité guerrière, abri pour son insecte; il sortait l’animal dans une cage aux petits barreaux de bois munie d’une porte coulissante; sur le haut de la cage était écrit : « Chacun a sa raison de se réjouir ». Les grillons possédaient également des mangeoires en porcelaine décorée et de délicieux accessoires : fines badines de bambou, peintes de motifs différents selon les régions, utilisées pour taquiner l’animal. Au bout de la badine, deux poils de moustache de rat. On pouvait ainsi exciter le grillon en chatouillant certaines parties de son corps. Le langage était très codifié et l’insecte, de manière étonnante, obéissait aux ordres également donnés par le propriétaire en tapotant sur le bord du pot : selon les vibrations, le grillon percevait les messages et obéissait. Surprenant spectacle ! Cet élevage de pur-sang miniatures provoquait une activité épuisante dans la maison. Des plats d’honneur étaient préparés pour le « général » : concombre, graines de lotus, laitue finement hachée. Quand je rapportais un moustique plein de sang qui venait de me piquer, Petit Singe me faisait fête: le sang rendait son grillon plus fort et agressif au combat … »             

…Mais l’intérêt majeur du livre de Fabienne Verdier se situe sur un autre plan : celui de sa passion pour la calligraphie et sa détermination à suivre un enseignement ascétique auprès des plus grands maîtres pour s’imprégner de la pensée chinoise et acquérir la culture intérieure indispensable à un art authentique .
 Maître Huang Yuan accepta de l’initier à cet art après un temps de mise à l’épreuve pour juger de sa motivation. Il lui demanda d’abord de suivre un stage chez un graveur de sceaux; l’écriture sigillaire sur les stèles conserve en effet les formes les plus anciennes de l’écriture et c’est seulement par les sceaux que l’artiste peut se familiariser avec la calligraphie de l’Antiquité. Après plusieurs mois d’exercice du Pinceau de fer, elle apprit à « donner vie »au trait horizontal :
 « Le trait est une entité vivante à lui seul; il a une ossature, une chair, une énergie vitale; c’est une créature de la nature comme le reste. Il faut saisir les mille et une variations que l’on peut offrir dans un unique trait ».   
Les conseils du Maître
 « C’est l’éclat spirituel qui doit générer l’œuvre; la pensée ne doit pas l’emporter sur le naturel de l’ensemble. C’est l’unité qui importe. Pars toujours d’une intuition poétique et essaie d’exprimer la substance des choses; tel est le principe constant.
 On enrichit sa peinture en vivant pleinement l’humeur du jour. Le peintre ne copie pas la nature, mais elle est sa révélation première; il en restitue les traits, les états, l’ossature. Un brin d’herbe est source de connaissance. Il apprend la ligne drue, coupante, dense. La danse de l’oiseau en vol indique comment se déployer, prendre son élan, piquer vers le sol.
 Le peintre, au cours de son existence, se construit une banque de données psychiques à partir de sa connivence avec le monde. C’est ce qu’il restitue dans son trait. Un jour, de cette banque de données naîtra naturellement, en un geste spontané, un acte créatif. Le beau en peinture chinoise, c’est le trait animé par la vie, quand il atteint le sublime du naturel ».


 Son maître lui enseigne ainsi non seulement la technique, mais tout un art de vivre délaissé de nos jours, même en Chine :
 « Si tu veux travailler les perceptions infinies à travers les lavis d’encre, il faut une attitude d’humilité, de transparence; c’est seulement ainsi que tu feras naître dans tes peintures une présence subtile. Quiétude, calme, silence. C’est le vide qui nourrira ton futur tableau; sur ce terrain vierge la pensée doit jaillir dans l’instant, comme une étincelle limpide».
 Au fil des ans, à force de persévérance malgré de graves ennuis de santé, Fabienne Verdier va devenir « la passagère du silence » qu’elle voulait être. Elle dit avoir retrouvé dans les peintures et les pierres de rêve le monde imaginaire des paysages de son enfance en Ardèche.
 « Ma peinture exprime un désir de volupté, de béatitude, un refuge contre la tristesse, le plaisir procuré par les beaux paysages qui, depuis mon enfance, m’ont apporté les moments les plus intenses de joie et de paix. J’ai compris que l’extase, qu’elle se crie ou se taise, n’est pas un don du Ciel qu’on attend les bras croisés, mais qu’elle se conquiert, se façonne, et que l’intelligence y a aussi sa part ».

    Un très beau livre d’une vie exemplaire à la recherche de « la tranquillité de l’âme ».   
D.G.http://www.e-litterature.net/

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