Le Maître Jésus : Le contexte de l’époque
Le contexte de l’époque de Jésus
(Extrait du séminaire “Enseignements premiers du Christ” de Daniel Meurois – Québec 2004)
Pour parler du Maître Jésus et de ses enseignements, je crois tout d’abord qu’il est extrêmement important de se replacer dans le contexte de l’époque.
Il y a deux mille ans, on vivait dans un
contexte d’occupation, on était en terre occupée par l’armée romaine
depuis une cinquantaine d’année, ce qui fait que les Romains faisaient
vraiment partie du décor. Bien sûr, il étaient considérés comme des
envahisseurs, mais il y avait aussi des amitiés et des amours qui se
liaient entre les Romains et les Juifs de l’époque qui habitaient la
Palestine. Donc, on croisait les Romains au coin de la rue, certains
s’amusaient à “jouer les petits chefs”, et puis d’autres qui étaient
tout simplement mêlés aux personnes du pays, à tel point qu’il y avait
effectivement des mariages entre Juifs et Romains, il y avait des Juifs
qui obtenaient la “citoyenneté” romaine, ...
Tout ceci créait un climat social assez
particulier, dont certains s’accommodaient très bien et d’autres pas,
comme les Zélotes, qui étaient un peu les résistants à l’envahisseur.
Toutefois, ils ne faut pas croire que les Zélotes étaient une sorte
d’armée secrète bien organisée. C’était plutôt une armée de brigands !
Il y avait forcément des personnes qui étaient très patriotes et très
idéalistes dans leur sein, mais on recrutait beaucoup et plus les années
passaient, plus les Zélotes recrutaient beaucoup chez les bandits de
grands chemins qui avaient plus de facilité à dégainer le glaive ou le
couteau.
Aujourd’hui, on dirait qu’ils étaient
des terroristes… sauf que le terrorisme de l’époque était un peu moins
meurtrier que celui d’aujourd’hui parce que, quand il n’y a pas de
bombes, on s’affronte d’homme à homme et le climat était tout à fait
différent, ça va de soi. Mais les Zélotes intervenaient donc un peu
n’importe quand, lorsqu’on ne s’y attendait pas, dans la société
palestinienne de l’époque et ils attaquaient quelque fois des villages
qu’ils estimaient trop collaborateurs avec les Romains. Ils attaquaient
également les petits détachements de Romains. Bref, ils faisaient une
sorte de harcèlement de façon à ce que l’armée romaine soit constamment
en état d’alerte, et ils partaient du principe que, selon la fameuse
prophétie que tout le monde connaît, un libérateur devait arriver en
Palestine, et qu’eux, les Zélotes, étaient là pour lui préparer le
chemin… et ils le cherchaient. Cependant, ils pensaient que ce devait
être forcément une sorte de militaire, un chef d’armée, et qu’on ne
pouvait pas chasser les Romains autrement que par la voie des armes.
Vous pouvez remarquer qu’on retrouve
encore certains contextes qui nous suivent aujourd’hui. L’histoire se
répète toujours un petit peu, il y a toujours des affrontements armés
dans cette partie du monde et on attend toujours, plus ou moins, des
libérateurs.
Donc, les Zélotes attendaient un
libérateur, un roi, mais ils n’étaient pas les seuls à attendre cet
événement, l’ensemble du peuple Juif attendait également un libérateur
et ceux qui en parlaient beaucoup étaient surtout les Esséniens, les
Nazarites et les Nazaréens, qui faisaient partie du décor de l’époque.
Généralement, on parle beaucoup des Esséniens parce qu’ils sont devenus
célèbres avec les fameux manuscrits de la Mer Morte, mais, à l’époque,
je dirais qu’ils étaient les moins connus de ces trois groupements
mystiques. A l’époque, on parlait beaucoup plus des Nazaréens et des
Nazarites.
En réalité, la distinction était assez
faible, c’était des petites querelles doctrinales. C’est le même type de
différence qu’on peut retrouver aujourd’hui, par exemple, dans les
différents écoles du Bouddhisme Tibétain. A l’époque, c’était un peu la
même chose, si ce n’est que les Esséniens étaient beaucoup plus discrets
que les autres, en dehors du fait qu’ils avaient de très grandes écoles
comme celle du monastère du Krmel ou comme celle du monastère de la Mer
Morte, de Qumran. En dehors de cela, dans la vie quotidienne, ils
étaient infiniment plus discrets que les Nazarites et les Nazaréens.
Ce qui fait que lorsqu’on a vu le Maître
Jésus apparaître sur la place publique pour enseigner au fil des mois
et des années, on ne l’a jamais pointé du doigt en disant “voilà
l’Essénien”. C’était le Nazaréen ou le Nazarite, parce qu’ils étaient
tous habillés de la même façon, la grande robe blanche, les cheveux
longs, la barbe, etc…, c’était un peu comme le signe distinctif qu’on
retrouve chez les Sanyasim ou les Swami en Inde qu’on voit souvent avec
la même robe orange, etc… Et bien, à l’époque, quand on voyait arriver
un homme avec des cheveux longs, la barbe et une longue robe blanche en
lin, on disait “C’est un Nazarite” ou “C’est un Nazaréen”.
Par contre, à l’époque, on n’appelait
pas le Maître Jésus en disant “Jésus de Nazareth”, pour la simple raison
que le fameux village de Nazareth n’a jamais existé ! On disait tout
simplement : “Jésus le Nazaréen”, en faisant référence à sa communauté.
Aujourd’hui, on dirait une secte. Ce mot est employé aujourd’hui d’une
façon négative, mais les Nazarites, les Nazaréens et les Esséniens
étaient ce que nous appellerions aujourd’hui une secte du Judaïsme.
Mais, en fait, c’était des communautés distinctes au sein même du
Judaïsme.
On disait donc “Tiens, voilà Jésus le
Nazaréen”. En fait, on a inventé le village de Nazareth en Palestine
tout simplement pour les besoins des premières personnes qui ont voulu
entreprendre des pélerinages vers le deuxième ou troisième siècle de
notre ère. Evidemment, cela n’est pas encore tout à fait reconnu par
l’Eglise catholique et l’Eglise chrétienne en général, parce que ça ne
serait pas bon pour eux de reconnaître ces choses-là, surtout quand, sur
place, on désigne le puits de la Vierge-Marie, quand on désigne la
grotte où ils ont vécu un certain temps, etc… Ce sont des lieux de
cultes qui ont été construits de toute pièce. Ca n’empêche pas qu’il
faille les respecter aujourd’hui et qu’ils soient extrêmement sacrés,
parce que lorsque des millions et des millions de personnes, au fil des
siècles, viennent prier sur un lieu, celui-ci est rendu sacré ne
serait-ce que parce qu’il est sorti du coeur des ces millions de
fidèles. Mais il faut savoir qu’historiquement parlant, c’est inventé !
Le village dans lequel le Maître Jésus a
passé une partie de son enfance, n’avait pas de nom particulier. On
disait : “C’est le village des frères Nazaréens ou des frères
Esséniens”, pour ceux qui en habitaient le plus près… et je ne pense pas
que les ruines de ce village existent encore aujourd’hui, c’était tout à
fait petit et il a été vite supplanté par d’autres bourgades plus
grandes au fil des siècles.
Donc, Nazaréens, Nazarites et Esséniens,
faisaient un peu partie de la même famille, à la seule différence près
que les Esséniens étaient beaucoup moins rigides dans leur approche de
la mystique et de la recherche intérieure. Ils se distinguaient surtout
par le fait qu’ils étaient des thérapeutes ; c’était leur “spécialité”,
pour employer un terme un peu plus moderne. Ils étaient connus pour leur
maniement de la voix, du chant, très très doux, qui en faisait d’eux
des êtres vraiment à part dans la société, mais le reste du peuple ne
faisait pas trop de différence.
Il y avait également, au-delà de ces
trois écoles de pensée, une autre catégorie sociale qu’on appelait les
sadducéens, qui étaient, je dirais, les bourgeois de l’époque. C’était
des gens qui étaient nantis, d’une classe à la fois bourgeoise et qui
avaient parfois certaines lettres de noblesse. En général, c’était parmi
eux que les Romains recrutaient le plus de collaborateurs. Les
Sadducéens trouvaient finalement leur compte à ce qu’il y ait un
commerce avec les Romains, parce qu’ils étaient de la classe dominante
et parce qu’il ne souffraient pas particulièrement de l’oppression de
l’occupation romaine, et même, quelques fois, bien au contraire. C’est
d’ailleurs pourquoi les Zélotes s’en prenaient souvent à eux.
La dernière classe sociale qui pactisait
assez facilement avec l’armée romaine, c’était les Pharisiens, la
classe sacerdotale de l’époque. Ceux-ci n’avaient pas très bonne
réputation, tout simplement parce que c’était des prêtres qui
appliquaient strictement la loi, le dogme, et qui étaient réputés pour
avoir très peu de compassion. Bien entendu, on ne peut pas généraliser…
tout comme aujourd’hui, on ne peut pas généraliser en mettant toutes les
personnes qui ont de l’argent dans le même panier. Ce serait stupide.
Il y a partout des gens qui ont du coeur, ça va de soi, mais disons,
globalement parlant, que c’était un peu comme ça, les pharisiens
n’étaient pas aimés par beaucoup de gens, à part évidemment les Romains
qui manoeuvraient beaucoup avec eux pour “tirer les ficelles”.
Il y avait d’ailleurs une espèce de jeu
quelques fois assez malsain : les Romains et les Pharisiens se
renvoyaient la balle lorsqu’il y avait des décisions politiques ou
religieuses à prendre. Les Pharisiens disaient : “Ce n’est pas nous qui
avons dit cela, ce sont les Romains”, et les Romains disaient “Allez
voir vos prêtres, c’est eux que ça regarde”. Cela mettait une sorte de
flou dans la société dans laquelle, finalement, le pouvoir dominant y
trouvait son compte parce que, c’est toujours un peu la même chose,
quand une société est cloisonnée comme cela, ceux qui règnent le font
par le cloisonnement de cette société. Il faut voir ce qui se passe
encore actuellement en Inde : ceux qui dirigent s’accommodent très bien
du fait que la société soit divisée en castes, parce qu’ainsi, on ne
peut pas créer une unité qui réagisse contre un pouvoir central qui
serait beaucoup trop dominant.
Il y a une chose qu’il faut savoir et
dont on ne prend pas assez suffisamment conscience quand on lit les
évangiles ou des livres sur cette époque-là, c’est que le port de l’arme
était quasiment systématique, généralisé. Il était extrêmement rare de
ne pas voir une personne avec un coutelas au côté, et même quelques
fois, une épée courte. Il n’y avait pas que que les Romains qui
portaient des glaives, pratiquement tout le monde était armé et cela ne
gênait personne car cela faisait partie du décor, tout comme
aujourd’hui, tout le monde a sa voiture ou presque, et quelqu’un qui n’a
pas de voiture fait un peu figure d’exception dans notre société ; et
bien à l’époque, porter un coutelas était tout à fait normal, ceci parce
que celui-ci servait à tout. Déjà, on n’avait pas de fourchette, par
contre on avait un couteau. Eventuellement, il servait à se défendre
parce qu’en ces temps-là, les routes étaient relativement peu sûres, il y
avait pas mal de brigandage et, quelques fois, du brigandage politique
comme celui des Zélotes.
Si je parle de cela, c’est pour qu’on
prenne bien conscience, aussi, que les apôtres ne faisaient pas bande à
part à ce niveau-là, ils étaient armés pour la plupart d’entre eux. On
peut avoir du mal à concevoir cela quand on se réfère aux belles images
pieuses ou aux films qui ont été tournés sur ce sujet-là, où l’on voit
tous ces apôtres avec de belles robes derrière le Christ en train de
marcher, tout le monde bien propre et bien sage, écoutant le maître
comme douze saints en puissance…
Mais ce n’était pas ça du tout cela !
Tout d’abord, au début, c’était tout à fait informel. On s’est figé dans
notre tête les douze apôtres mais ils n’étaient pas que douze. Je
reviendrais là-dessus plus loin, mais tout ça pour dire qu’on voyait
plutôt, autour d’un individu particulier, un groupe d’autres individus
qui faisaient vraiment figure du peuple, tout simplement, avec des
tuniques courtes, quelques fois un simple pagne, etc… La plupart d’entre
eux avaient l’air un peu de va-nu-pied, ce n’étaient pas les beaux
grands jeunes premiers ou les beaux grands barbus qu’on voit au cinéma
aujourd’hui.
Quant au gros couteau (ou coutelas),
c’était les hommes du peuple qui le portaient, si ce n’est l’épée.
D’ailleurs, il y a un passage des évangiles qui laisse bien deviner le
fait qu’ils étaient armés. Seulement, ce passage-là, je n’ai jamais vu
un prêtre qui en parle en chaire parce que c’est sans doute un peu
gênant d’aborder ce genre de chose puisque cela fait remettre tout un
tas de notions en cause.
Mais souvenez-vous de ce passage dans
l’évangile qui parle de l’arrestation du Christ sur le Mont des
Oliviers, et où l’on dit qu’il y a un des apôtres qui a voulu
s’interposer et qui, d’un coup de couteau ou d’épée, à coupé l’oreille
d’un soldat romain. C’est très bref dans l’évangile mais ça veut dire
quoi ? Tout simplement qu’il avait bien une arme sur lui et que, donc,
il ne s’agissait pas uniquement d’un groupe de mystiques qui allaient
tout simplement prier sur le Mont des Oliviers, aux côtés du Maître.
C’était aussi des hommes qui étaient mêlés à tout le monde et qui
avaient encore leurs habitudes courantes, et cela ne choquait personne !
C’était comme ça. On ne pensait pas à dire à quelqu’un : “Tiens, toi,
t’es armé, alors t’es dangereux”. C’était aussi normal que d’avoir
aujourd’hui un portefeuille dans sa veste.”
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