A Saint-Etienne, le procès des bonnes intentions d’un prêtre
Manifestation de soutien des habitants auprès du Père Riffard devant le tribunal
La charité serait elle devenue illégale ?
Alors que certain marchands de sommeil logent 8 à 10 personnes sur 30 M2, à des prix exorbitant, et en toute légalité, héberger gratuitement des familles mises à la rue, devient un délit. Nous ne sommes pas loin de la désobéissance civile de Gandhi. En tout cas les deux municipalités de St Etienne successives PS, puis UMP en 2014, semblent unies dans un même combat.
Drôle de monde dans lequel nous vivons. C.R.
Alors que certain marchands de sommeil logent 8 à 10 personnes sur 30 M2, à des prix exorbitant, et en toute légalité, héberger gratuitement des familles mises à la rue, devient un délit. Nous ne sommes pas loin de la désobéissance civile de Gandhi. En tout cas les deux municipalités de St Etienne successives PS, puis UMP en 2014, semblent unies dans un même combat.
Drôle de monde dans lequel nous vivons. C.R.
Gérard Riffard a hébergé des étrangers dans la salle paroissiale en dépit d’un arrêté municipal.
Gérard
Riffard est petit, menu, un peu bossu et paraît plus que ses presque
70 ans. Ce prêtre retraité a répondu, mercredi à Saint-Etienne (Loire),
aux questions du juge et du procureur avec un calme et une assurance
impressionnants. Oui, il a hébergé des demandeurs d’asile, déboutés ou
en attente de réponse de l’Office français de protection des réfugiés et
apatrides (Ofpra), dans la salle paroissiale de l’église Sainte-Claire,
dans le quartier déshérité de Montreynaud à Saint-Etienne.
D’ailleurs, «ils sont encore une trentaine, dont douze enfants», déclarait-il avant le début de son procès. A l’extérieur du palais, quelques centaines de militants d’associations sont venus le soutenir. Dans la salle d’audience, Gérard Riffard est entouré de représentants du Service jésuite des réfugiés, une ONG catholique créée pour répondre aux besoins spirituels et matériels des exilés, bien que le prêtre ne soit pas jésuite.
Humanité. Henry Helfre, le président du tribunal d’instance, résume les faits qui valent à Gérard Riffard de comparaître : «On vous reproche d’avoir accueilli à Saint-Etienne, entre le 11 février et le 3 octobre 2013, soit pendant 239 jours, dans le centre paroissial de Montreynaud transformé en centre d’hébergement, des dizaines de personnes, en contradiction avec l’arrêté municipal qui ordonnait la cessation de cette activité.» Gérard Riffard risque une amende de cinquième classe de 1 500 euros par jour d’infraction.
L'invité de France Bleu Saint-Etienne Loire Matin par francebleu-stetienneloire
Entre le magistrat et le prêtre, le dialogue est courtois mais difficile. L’un parle loi, l’autre humanité. «Il y a dix ans, peut-être plus, vous avez commencé à accueillir des personnes étrangères, qu’on peut appeler clandestines, entrées en France sans passeport valable», rappelle Henry Helfre. «A Montreynaud, j’ai rencontré des demandeurs d’asile, une femme irakienne chrétienne, un Pakistanais, j’ai été attentif à ce qu’ils vivaient. Au départ, quand j’accueillais des réfugiés, c’était chez moi, dans mon appartement», répond le prêtre. Le nombre d’étrangers à la rue augmentant, leur hébergement se fait désormais dans la salle paroissiale.
Il y a quatre ans, Gérard Riffard et des paroissiens ont créé Anticyclone, une association d’accompagnement des étrangers sans logis. «Vous créez un appel d’air en faveur du puits sans fond qu’est l’immigration clandestine», lance le président. «Je ne vois pas en quoi le fait de proposer à des gens de dormir par terre sur un matelas qu’ils doivent partager avec d’autres peut créer un appel d’air», rétorque Gérard Riffard, assurant que le nombre des demandeurs d’asile en France est stable à 45 000 par an.
«Règles». En 2012 et 2013, la municipalité prend une série d’arrêtés interdisant tout hébergement dans la salle paroissiale. «Il y a des règles à respecter. Notre société étant très bien faite, on ne peut pas accueillir un nombre de personnes qui commence à être important dans un lieu pas adapté», lance le président. «On est dans une société passablement désorganisée. Il y a un conflit entre la loi et l’obligation qu’on a à ne pas laisser des gens dehors en situation de danger», rétorque le prêtre, rappelant que la salle a été équipée de détecteurs de fumée, d’extincteurs, d’issues de secours.
A son tour, le procureur André Merle prend la parole : «On est face à un conflit de logiques, chacune étant infiniment respectable, mais qui doivent s’arbitrer par le droit dans une société apaisée et régulée.» Ces considérations faites, le représentant du parquet a requis une amende de 50 euros par jour d’infraction, soit 12 000 euros. Le jugement a été mis en délibéré au 10 septembre.
D’ailleurs, «ils sont encore une trentaine, dont douze enfants», déclarait-il avant le début de son procès. A l’extérieur du palais, quelques centaines de militants d’associations sont venus le soutenir. Dans la salle d’audience, Gérard Riffard est entouré de représentants du Service jésuite des réfugiés, une ONG catholique créée pour répondre aux besoins spirituels et matériels des exilés, bien que le prêtre ne soit pas jésuite.
Humanité. Henry Helfre, le président du tribunal d’instance, résume les faits qui valent à Gérard Riffard de comparaître : «On vous reproche d’avoir accueilli à Saint-Etienne, entre le 11 février et le 3 octobre 2013, soit pendant 239 jours, dans le centre paroissial de Montreynaud transformé en centre d’hébergement, des dizaines de personnes, en contradiction avec l’arrêté municipal qui ordonnait la cessation de cette activité.» Gérard Riffard risque une amende de cinquième classe de 1 500 euros par jour d’infraction.
L'invité de France Bleu Saint-Etienne Loire Matin par francebleu-stetienneloire
Entre le magistrat et le prêtre, le dialogue est courtois mais difficile. L’un parle loi, l’autre humanité. «Il y a dix ans, peut-être plus, vous avez commencé à accueillir des personnes étrangères, qu’on peut appeler clandestines, entrées en France sans passeport valable», rappelle Henry Helfre. «A Montreynaud, j’ai rencontré des demandeurs d’asile, une femme irakienne chrétienne, un Pakistanais, j’ai été attentif à ce qu’ils vivaient. Au départ, quand j’accueillais des réfugiés, c’était chez moi, dans mon appartement», répond le prêtre. Le nombre d’étrangers à la rue augmentant, leur hébergement se fait désormais dans la salle paroissiale.
Il y a quatre ans, Gérard Riffard et des paroissiens ont créé Anticyclone, une association d’accompagnement des étrangers sans logis. «Vous créez un appel d’air en faveur du puits sans fond qu’est l’immigration clandestine», lance le président. «Je ne vois pas en quoi le fait de proposer à des gens de dormir par terre sur un matelas qu’ils doivent partager avec d’autres peut créer un appel d’air», rétorque Gérard Riffard, assurant que le nombre des demandeurs d’asile en France est stable à 45 000 par an.
«Règles». En 2012 et 2013, la municipalité prend une série d’arrêtés interdisant tout hébergement dans la salle paroissiale. «Il y a des règles à respecter. Notre société étant très bien faite, on ne peut pas accueillir un nombre de personnes qui commence à être important dans un lieu pas adapté», lance le président. «On est dans une société passablement désorganisée. Il y a un conflit entre la loi et l’obligation qu’on a à ne pas laisser des gens dehors en situation de danger», rétorque le prêtre, rappelant que la salle a été équipée de détecteurs de fumée, d’extincteurs, d’issues de secours.
A son tour, le procureur André Merle prend la parole : «On est face à un conflit de logiques, chacune étant infiniment respectable, mais qui doivent s’arbitrer par le droit dans une société apaisée et régulée.» Ces considérations faites, le représentant du parquet a requis une amende de 50 euros par jour d’infraction, soit 12 000 euros. Le jugement a été mis en délibéré au 10 septembre.
PORTRAIT
A Saint-Etienne, malgré un arrêté municipal, ce curé à la retraite persiste à accueillir et aider des demandeurs d’asile.
Il
parle cru, parfois même comme un charretier. La première fois où l’on a
vu le père Gérard Riffard, c’était au mois de juin, devant le tribunal
de police de Saint-Etienne (Loire). Il comparaissait pour avoir ignoré
un arrêté municipal lui interdisant d’héberger des demandeurs d’asile
dans la salle paroissiale de l’église de Montreynaud, quartier déshérité
de la ville.
Silhouette frêle déformée par l’ostéoporose, cheveux blancs coupés au carré, fin visage, à la barre du tribunal, le père Riffard n’a pas cédé d’un pouce. Tout au long de l’audience, il a poliment mais fermement bataillé contre le magistrat et le représentant du parquet, qui l’accusaient de «cré(er) un appel d’air en faveur du puits sans fond qu’est l’immigration».
Pour l’entretien avec Libération, Gérard Riffard reçoit dans son appartement de l’église de Montreynaud. Bien que retraité, il y réside toujours. En face à face, l’ancien curé ne prend pas de précautions oratoires. Peut-être parce que cette violence verbale est l’exutoire de la colère que provoque en lui la politique française d’immigration. «Il y a des jours où j’en ai ras-le-bol.» Parfois, Gérard Riffard trouve bien lourde la tâche d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile qu’il s’est fixée. «Mon travail, c’est de garder ces personnes debout, explique-t-il. Si elles se mettent à désespérer, c’est foutu.» A la tête de l’association Anticyclone, qu’il a créée avec le soutien de l’évêque de Saint-Etienne, Gérard Riffard aide ces étrangers à constituer leur dossier de demande d’asile. Et les réponses le plus souvent négatives de l’Ofpra le mettent en rogne. «Actuellement, plusieurs dossiers solides sur lesquels on a travaillé ont été rejetés. C’est honteux.»
Gérard Riffard exprime aussi son «ras-le-bol» à un tout autre propos : son célibat de prêtre. Il confie : «J’ai fait ce choix et je dois m’y tenirIl y a des moments où je me dis que je pourrais avoir des gosses.» Il ajoute : «Mais quand je vois certaines vies de famille, je me dis aussi qu’ils ont des choses lourdes à porter.» Avant de devenir prêtre, a-t-il eu une vie sentimentale ? «Franchement, qu’est-ce que ça peut vous faire ?» tacle-t-il. «Mais comme je n’ai rien à cacher, sachez que je vivais pleinement ma jeunesse avec un groupe de copains et de copines très actifs dans la vie associative et celle de l’Eglise des années 60-70. Nos relations ont toujours été les plus simples possibles, les plus claires.»
«L’école, j’en avais rien à foutre.» Gérard Riffard n’a pas été un élève modèle. «Quand ça sonnait, j’étais le premier à sortir. Les seuls moments où je me sentais vivre, c’était avec mes copains.» Petit-fils d’un mineur et passementier, fils d’un militaire qui a fait la guerre d’Indochine mais a quitté l’armée avant d’être envoyé en Algérie et a fini «petit agent de maîtrise chez Casino», il est né à Saint-Genest-Lerpt, près de Saint-Etienne (Loire), et n’en a jamais bougé. «C’est ma région, je ne suis pas un grand voyageur», se justifie-t-il.
Son enfance a été «marquée par les valeurs chrétiennes». La foi, il l’a ressentie «au fond de lui, tout gosse». «C’est un don de Dieu qui grandit en vous de manière inconsciente jusqu’au jour où il s’impose», explique-t-il. Après le bac, il a fait un an de fac. «Je me suis souverainement emmerdé jusqu’au jour où j’ai trouvé ma voie et suis entré au séminaire.»
«Quand Benoît XVI a été élu, je me suis dit "merde, merde, merde".» Le curé de Montreynaud n’apprécie pas le pape allemand et le dit clairement. «Ratzinger, c’était tout ce qu’il ne fallait pas, un intellectuel, un penseur, un théologien, mais pas un pasteur.» Son prédécesseur, Jean Paul II, trop politique, n’était pas non plus sa tasse de thé. «Je n’ai jamais vibré pour lui.» Gérard Riffard se sent proche en revanche de François. «Avec lui, ça a changé extraordinairement. Il a des paroles fortes par rapport à ce que doit être l’Eglise. Il ose appeler un chat un chat, par exemple quand il relativise l’argent et le pouvoir. Il va à la rencontre des gens, il s’est rendu à Lampedusa [l’île italienne où échouent beaucoup de migrants, ndlr].»
Gérard Riffard s’assume «de gauche». Il a voté Hollande mais se dit «déçu». Sur les questions de société, cet ancien curé n’est pas un révolutionnaire. Il est plutôt favorable à l’ordination d’hommes mariés tout en signalant qu’il croit «beaucoup à la valeur de signe du célibat choisi», mais ne s’engage pas sur la question du ministère féminin. Par ailleurs, il considère que «le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme qui construisent ensemble un projet de vie et de famille», et se dit «des plus réservés» sur l’adoption par les couples homosexuels, la PMA et la GPA.«C’est quelqu’un de discret, d’humble et qui n’aime pas faire de vagues. Mais c’est aussi quelqu’un qui ne plie pas», dit de lui Yves Scanu, le responsable local du Réseau Education sans frontières.
Avec Maurice Vincent, l’ancien maire PS de Saint-Etienne battu aux municipales par un UMP, Gérard Riffard a eu des relations compliquées. C’est cet édile qui a pris l’arrêté lui valant d’être traîné devant les tribunaux. «Gérard Riffard a toujours eu une position exclusivement morale, explique Maurice Vincent. Avec les préfets successifs, nous avons attiré son attention sur les problèmes constants de sécurité que posait son hébergement. Sans résultat. D’où l’arrêté.» «Il y a un conflit entre la loi et l’obligation de ne pas laisser des gens dehors en situation de danger, a rétorqué Gérard Riffard lors de son procès. Je suis bouffé par ce qui se passe.»
Si la plupart des réfugiés dorment dans la salle paroissiale, il en héberge aussi chez lui et en accueille à sa table. «On mange à six tous les soirs.» Quand il a «un petit moment de solitude», l’ancien curé «lave [s]on linge, essaie de repasser, donne un coup de balai». «J’ai un coin où j’ai mis des fleurs, je coupe l’herbe», ajoute-t-il. Grand lecteur de journaux - le Progrès, la Croix -, il a été un fidèle de Libération : «Un autre ton, dépaysant pour moi, mais il y avait aussi de profonds accords sur beaucoup de choses.» Pour le reste, sa santé ne lui permet plus de faire de sport et il n’a «pas le temps d’écouter de la musique et pas l’argent pour aller au cinéma».
Pour l’avenir, Gérard Riffard affecte de ne pas se faire trop de souci. Lors de son procès, le représentant du parquet a pourtant requis contre lui une amende de 50 euros pour chacun des 239 jours d’infraction constatés, soit 11 950 euros. Une somme que le prêtre aura du mal à acquitter avec ses 700 euros de retraite mensuelle. Le jugement a été renvoyé au 10 septembre. «Si je suis condamné, j’irai m’inscrire à Pôle Emploi ou je jouerai à l’Euromillion», plaisante-t-il. Pour autant, le vieux curé n’entend pas céder. Au sous-sol de son église, des travaux d’aménagement de douches et de sanitaires pour l’accueil des réfugiés sont en cours. Photo Sébastien Érome
Silhouette frêle déformée par l’ostéoporose, cheveux blancs coupés au carré, fin visage, à la barre du tribunal, le père Riffard n’a pas cédé d’un pouce. Tout au long de l’audience, il a poliment mais fermement bataillé contre le magistrat et le représentant du parquet, qui l’accusaient de «cré(er) un appel d’air en faveur du puits sans fond qu’est l’immigration».
Pour l’entretien avec Libération, Gérard Riffard reçoit dans son appartement de l’église de Montreynaud. Bien que retraité, il y réside toujours. En face à face, l’ancien curé ne prend pas de précautions oratoires. Peut-être parce que cette violence verbale est l’exutoire de la colère que provoque en lui la politique française d’immigration. «Il y a des jours où j’en ai ras-le-bol.» Parfois, Gérard Riffard trouve bien lourde la tâche d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile qu’il s’est fixée. «Mon travail, c’est de garder ces personnes debout, explique-t-il. Si elles se mettent à désespérer, c’est foutu.» A la tête de l’association Anticyclone, qu’il a créée avec le soutien de l’évêque de Saint-Etienne, Gérard Riffard aide ces étrangers à constituer leur dossier de demande d’asile. Et les réponses le plus souvent négatives de l’Ofpra le mettent en rogne. «Actuellement, plusieurs dossiers solides sur lesquels on a travaillé ont été rejetés. C’est honteux.»
Gérard Riffard exprime aussi son «ras-le-bol» à un tout autre propos : son célibat de prêtre. Il confie : «J’ai fait ce choix et je dois m’y tenirIl y a des moments où je me dis que je pourrais avoir des gosses.» Il ajoute : «Mais quand je vois certaines vies de famille, je me dis aussi qu’ils ont des choses lourdes à porter.» Avant de devenir prêtre, a-t-il eu une vie sentimentale ? «Franchement, qu’est-ce que ça peut vous faire ?» tacle-t-il. «Mais comme je n’ai rien à cacher, sachez que je vivais pleinement ma jeunesse avec un groupe de copains et de copines très actifs dans la vie associative et celle de l’Eglise des années 60-70. Nos relations ont toujours été les plus simples possibles, les plus claires.»
«L’école, j’en avais rien à foutre.» Gérard Riffard n’a pas été un élève modèle. «Quand ça sonnait, j’étais le premier à sortir. Les seuls moments où je me sentais vivre, c’était avec mes copains.» Petit-fils d’un mineur et passementier, fils d’un militaire qui a fait la guerre d’Indochine mais a quitté l’armée avant d’être envoyé en Algérie et a fini «petit agent de maîtrise chez Casino», il est né à Saint-Genest-Lerpt, près de Saint-Etienne (Loire), et n’en a jamais bougé. «C’est ma région, je ne suis pas un grand voyageur», se justifie-t-il.
Son enfance a été «marquée par les valeurs chrétiennes». La foi, il l’a ressentie «au fond de lui, tout gosse». «C’est un don de Dieu qui grandit en vous de manière inconsciente jusqu’au jour où il s’impose», explique-t-il. Après le bac, il a fait un an de fac. «Je me suis souverainement emmerdé jusqu’au jour où j’ai trouvé ma voie et suis entré au séminaire.»
«Quand Benoît XVI a été élu, je me suis dit "merde, merde, merde".» Le curé de Montreynaud n’apprécie pas le pape allemand et le dit clairement. «Ratzinger, c’était tout ce qu’il ne fallait pas, un intellectuel, un penseur, un théologien, mais pas un pasteur.» Son prédécesseur, Jean Paul II, trop politique, n’était pas non plus sa tasse de thé. «Je n’ai jamais vibré pour lui.» Gérard Riffard se sent proche en revanche de François. «Avec lui, ça a changé extraordinairement. Il a des paroles fortes par rapport à ce que doit être l’Eglise. Il ose appeler un chat un chat, par exemple quand il relativise l’argent et le pouvoir. Il va à la rencontre des gens, il s’est rendu à Lampedusa [l’île italienne où échouent beaucoup de migrants, ndlr].»
Gérard Riffard s’assume «de gauche». Il a voté Hollande mais se dit «déçu». Sur les questions de société, cet ancien curé n’est pas un révolutionnaire. Il est plutôt favorable à l’ordination d’hommes mariés tout en signalant qu’il croit «beaucoup à la valeur de signe du célibat choisi», mais ne s’engage pas sur la question du ministère féminin. Par ailleurs, il considère que «le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme qui construisent ensemble un projet de vie et de famille», et se dit «des plus réservés» sur l’adoption par les couples homosexuels, la PMA et la GPA.«C’est quelqu’un de discret, d’humble et qui n’aime pas faire de vagues. Mais c’est aussi quelqu’un qui ne plie pas», dit de lui Yves Scanu, le responsable local du Réseau Education sans frontières.
Avec Maurice Vincent, l’ancien maire PS de Saint-Etienne battu aux municipales par un UMP, Gérard Riffard a eu des relations compliquées. C’est cet édile qui a pris l’arrêté lui valant d’être traîné devant les tribunaux. «Gérard Riffard a toujours eu une position exclusivement morale, explique Maurice Vincent. Avec les préfets successifs, nous avons attiré son attention sur les problèmes constants de sécurité que posait son hébergement. Sans résultat. D’où l’arrêté.» «Il y a un conflit entre la loi et l’obligation de ne pas laisser des gens dehors en situation de danger, a rétorqué Gérard Riffard lors de son procès. Je suis bouffé par ce qui se passe.»
Si la plupart des réfugiés dorment dans la salle paroissiale, il en héberge aussi chez lui et en accueille à sa table. «On mange à six tous les soirs.» Quand il a «un petit moment de solitude», l’ancien curé «lave [s]on linge, essaie de repasser, donne un coup de balai». «J’ai un coin où j’ai mis des fleurs, je coupe l’herbe», ajoute-t-il. Grand lecteur de journaux - le Progrès, la Croix -, il a été un fidèle de Libération : «Un autre ton, dépaysant pour moi, mais il y avait aussi de profonds accords sur beaucoup de choses.» Pour le reste, sa santé ne lui permet plus de faire de sport et il n’a «pas le temps d’écouter de la musique et pas l’argent pour aller au cinéma».
Pour l’avenir, Gérard Riffard affecte de ne pas se faire trop de souci. Lors de son procès, le représentant du parquet a pourtant requis contre lui une amende de 50 euros pour chacun des 239 jours d’infraction constatés, soit 11 950 euros. Une somme que le prêtre aura du mal à acquitter avec ses 700 euros de retraite mensuelle. Le jugement a été renvoyé au 10 septembre. «Si je suis condamné, j’irai m’inscrire à Pôle Emploi ou je jouerai à l’Euromillion», plaisante-t-il. Pour autant, le vieux curé n’entend pas céder. Au sous-sol de son église, des travaux d’aménagement de douches et de sanitaires pour l’accueil des réfugiés sont en cours. Photo Sébastien Érome
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