L'apprentissage de l'amour
Parmi les nombreux auteurs cités, j'ai relevé ce texte de soeur Emmanuelle, qui relate une expérience vécue auprès d'autres porteurs d'âmes, qui comme elle, offrent l'exemple dans le vécu auprès de ceux qui sont au plus bas de l'humanité.
Ce texte est d'une telle puissance, que je ne pouvais que le partager.
C.R.
C hacun d'entre nous a eu l'occasion, durant son existence, de rencontrer des hommes ou des femmes, qui ont laissé en lui une empreinte indélébile. Parmi les voyages qui m'ont menée à travers la planète, je peux témoigner que dans les situations les plus inhumaines de violence, de guerre, de famine, je me suis trouvée toujours et partout devant des êtres de lumière, qui s'acharnaient à faire jaillir une source d'espérance, là où les racines mêmes de la vie paraissaient compromises.
Je ne parlerai aujourd'hui que d'une femme dont le souvenir est tel qu'il me suffit de l'évoquer dans les passes difficiles pour retrouver mon tonus.
J'avais été appelée dans une ville de France pour y donner une conférence au sujet des chiffonniers du Caire. Peu importe que j'en aie oublié le nom. Les amis chez qui je résidais me proposent de visiter un foyer de handicapés profonds "pour encourager le personnel dans sa tâche particulièrement ardue". J'accepte volontiers, sans comprendre à quoi je m'engageais....
La directrice de l'établissement, une femme d'une quarantaine d'année, aux cheveux blonds et à la robe claire, me reçoit chaleureusement et m'entraîne vers une grande salle. Me voici tout à coup face à face avec des êtres qui n'avaient plus rien d'humain. certains se traînaient par terre en poussant des grognements plus ou moins distincts, l'un essaie de happer ma main, pour la mordre, un autre en poussant un cri sauvage cherche à me saisir le pied et à me faire basculer. L'ensemble de cette vision est atroce.
Je commence à paniquer, lorsque nous entrons dans une chambre où était étendu sur un lit un corps inerte aux membres immenses. La bave coulait de sa bouche grande ouverte, un rictus découvrait sa mâchoire édentée, un miaulement s'échappait de sa gorge... le tout évoquait l'animalité plus que l'espèce humaine. Cette fois, je n'en peux plus et je me sens chavirer. J'étais sur le point de m'enfuir à toute allure, lorsque je vois la directrice s'approcher du lit, saisir dans ses bras ce cadavre vivant et la serrer contre son coeur. Elle adresse alors un sourire éblouissant de tendresse au visage pendu sur son épaule. L'homme a un tressaillement, un éclair de vie le traverse, la bave ne coule plus, le visage perd son rictus et se sérénifie, les yeux ne roulent plus mais restent doucement fixés sur le regard penché sur lui. ... et elle de me dire: " Regardez, il devient beau ! ". Et elle avait raison, cette femme, le rayon d'amour intense échappé de son coeur était arrivé à toucher l'âme enfouie dans des profondeurs secrètes... L'homme avait pour quelques instants retrouvé son identité: il paraissait devenu beau !
Cette leçon de grandeur fraternelle m'a fait soudain réaliser quel long apprentissage j'avais encore à faire pour apprendre à aimer ! Plus un humain se trouve enfoncé dans une déchéance physique ou morale, plus il a besoin d'une intensité d'amour pour faire jaillir en lui le meilleur de son humanité.
D'ailleurs chacun de nous, quel que soit son état, n'a-t-il pas soif d'affection, d'un regard de sympathie profonde, pour ce sentir vitalisé ?
Dans la conversation qui suivit, la directrice me fit comprendre à demi-mot qu'elle était passée par des événements difficiles où tout lui semblait perdu. Elle ajouta, comme dans une révélation: " Depuis que j'ai acceptée ce poste où je donne ... et reçois beaucoup d'amour, j'ai retrouvée la joie de vivre. "
Ce fut pour moi comme une révélation du Ciel ...
Soeur Emmanuelle. Sources N°28
Revue-sources.Terre du ciel
La Revue Sources se fait le témoin de ces grands êtres aptes à redonner à l'humain sa place : sages de toutes les traditions témoignant de l'essence divine de l'homme, penseurs animés par l'amour de l'humanité, chercheurs de vérité, artistes traversés par le souffle divin, thérapeutes capables de compassion, poètes fous de Dieu, et plus simplement hommes et femmes ordinaires mais debout, mettant leur énergie au service de la Vie. Lire ce qu'ils disent, ce qu'ils vivent, c'est quitter la médiocrité et la bassesse de notre siècle, et trouver la force de devenir acteurs de nos rêves les plus fous, les plus beaux.
Les revues sources et Alliance viennent de fusionner, gardant cette nouvelle revue sous le nom de Sources, dorénavant porteuse des deux aspects de la dimension spirituelle : personnel et sociétal.
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