Le monstre n'est pas tapi au fond du lac : il est en chacun de nous
8 janvier 2015, par Frédérique Ahond
Ce soir, je suis meurtrie. Triplement meurtrie. Au plan humain évidemment, en qualité d'ancienne journaliste ensuite et
au titre de militante inconditionnelle de la liberté d'expression.
Vers
11h30 en ce jour du 7 janvier 2015, douze personnes ont été happées par
une mort brutale dans les locaux de Charlie
Hebdo. Douze personnes ont péri, sacrifiées sur l'autel du fanatisme
religieux. Exécutées par des hommes qui se sont érigés à la fois en
censeurs, en juges et en bourreaux.
De
cela nous sommes tous responsables. Collectivement responsables. À
chaque fois que nous fermons les yeux sur ce monde
en pleine déliquescence estimant que les affaires humaines ne nous
concernent pas. Un monde qui se fissure sous nos pieds alors que nous
nous taisons face au mal, à la barbarie et à
l'injustice.
Amalgame, trop souvent
Combien
de fois ai-je entendu autour de moi ces phrases toutes faites : « Ah
ces journalistes… Tous des vendus, tous les
mêmes ! ». C'est aller trop vite en matière d'amalgame stupide et
faire preuve d'une ignorance sans bornes concernant la réalité cruelle
des faits et des chiffres. Pendant que ces personnes
additionnaient les lieux communs comme d'autres enfilent des perles,
66 journalistes furent sauvagement assassinés, 11 collaborateurs et 19
Net-citoyens-journalistes furent tués en 2014
dans le cadre de leur métier.
Au moment où j'écris ces lignes, 220 journalistes croupissent dans les geôles des dictatures sévissant aux quatre coins
du globe pendant que les philosophes de comptoirs sirotent l'apéro, le postérieur confortablement calé dans leurs fauteuils.
Alors,
la prochaine fois que ces autoproclamés « grands spécialistes de
l'information » auront l'envie soudaine d'ouvrir
leurs clapets nauséeux pour émettre un avis d'expert sur la
question, qu'ils aient l'honnêteté minimum de s'interroger afin de
savoir s'ils accepteraient d'exposer leurs vies au bénéfice de
l'information ou s'ils préféreraient garder leurs miches au chaud...
Le fléau des religions et des croyances
Mais
quand donc s'achèvera cette ignoble et
monstrueuse mascarade de la foi et des spiritualités avançant leurs
pions sur l'échiquier de l'exclusion et de l'intolérance ? Le nom de
Dieu a provoqué sur cette Terre plus de guerres et
engendré plus d'horreurs que n'importe quel autre sujet
d'affrontement. Que l'on croit en un Dieu tout puissant réclamant le
sang des infidèles ou que l'on croit à des sauveurs galactiques, le
même sectarisme nous guette car tous les systèmes de croyances
procèdent tôt ou tard par éviction de l'autre. Cet autre, bouté hors du
clan pour n'avoir pas adhéré à la syntaxe, aux rites, aux
mythes et aux références érigées en valeur absolue.
Oui,
nous sommes collectivement responsables… À chaque fois que nous sommes
intimement convaincus que seule notre vision
du monde, de Dieu et de l'univers est l'unique voie menant à la
vérité. À chaque fois que nous nous accaparons le sel amer des
événements pour venir fortifier notre grille de lecture et
d'interprétation de la marche du monde.
Au
final, je pense qu'un athéisme humaniste serait de loin plus salutaire
et moins dangereux que n'importe quelle
croyance dont les effets pervers amènent leurs marionnettes
spirituelles à se croire des élus infusés de la Connaissance
Universelle.
Quand sortirez-vous de l'illusion d'un monde meilleur ?
Depuis
le mois de décembre, je ne cesse de lire et d'entendre que 2015 sera
une année décisive, une année de transition
vers l'avènement d'un Nouvel Âge d'Or. Nous avons ici l'exemple-même
d'une vision obscurcie par le filtre des croyances personnelles, une
vision parcellaire expurgée de solides connaissances en
matière d'histoire, de sciences et de politique des états couplées à
l'acquisition d'un savoir ésotérique puisé aux sources-mêmes de
certaines traditions ancestrales.
Comme
je le redoutais, l'attentat contre Charlie Hebdo donne le ton. Par le «
ton » j'entends la tonalité des années à
venir. À travers deux textes extraits de conférences publiques
données en 2006 et en 2008, j'avais alors démontré les enjeux
sous-jacents à l'évolution du monde et les différentes « forces » en
présence, qu'elles soient énergétiques ou géopolitiques.
Que
vous l'entendiez ou pas, que vous n'y perceviez qu'un unique son de
cloche, la note-clé de l'année 2015 a retenti
hier dans notre pays pour les années à venir, sonnant le glas de
notre pseudo démocratie et posant pas à pas les fondations de la
dictature mondiale à venir.
Or,
ne vous y fiez pas ! Avec les condoléances qui pleuvent des quatre
coins du monde occidental, se mettent en place les
mesures d'observation et d'analyse. Dorénavant, nous sommes sous
monitoring, scrutés dans nos moindres réactions, en tant que peuple. Sur
le grand damier mondial, la France est aujourd'hui le rat
de laboratoire, exactement comme le furent les États Unis après le
11 septembre 2001.
La question : à qui profite le crime ?
La
question cruciale ici est de savoir comment
museler un pays, comment mettre doucement un peuple à genoux,
comment rassembler le troupeau épars afin que spontanément il se dirige
de lui-même dans la direction souhaitée par nos gouvernants,
comment au nom d'une pseudo unité rassembler les français, ce peuple
cabotin si difficile à gouverner comme disait Charles de Gaulle…
Rien ne vaut l'électrochoc collectif, un événement emblématique, un acte si horrifiant qu'il fera spontanément descendre
les gens dans la rue, au nom de la solidarité et de la fraternité.
Hier, alors que des personnes de cœur et de talent agonisaient, mouraient avec elles notre refus têtu de ne pas suivre la
bien-pensance, notre droit à penser en dehors des lignes philosophiques admises.
Bravo
! Comment réussir ce tour de force incroyable en ces temps de crise où
chaque camp retranché dans ses idéaux tire à
vue sur l'autre camp… Comment faire d'une pierre deux coups :
éliminer les derniers grands résistants insolents de la presse française
et crier à l'unanimité du peuple
français…
Nos
gouvernants sont de grands spécialistes du billard à bandes : le
massacre qui vient d’être commis alimente une
stratégie de la tension et de la peur dont les éléments sont bien
connus : fanatismes pseudo religieux, appels à un « choc des
civilisations », privation des libertés publiques au prétexte
fallacieux de garantir la sécurité de tous et de remporter la «
guerre contre le terrorisme », uniformes et bruits de bottes à tous les
carrefours avec le plan Vigipirate.
Non,
je ne bêlerai pas avec les moutons d'où qu'ils soient, tenants
fanatiques de la théorie du complot ou tenants
aveugles de la grande fraternité mondiale à venir. Car, la vérité en
ce monde est toujours plus grande que la somme des parties qui la
composent et, par définition,
inaccessible.
Le monstre n'est ni assis en haut de la pyramide reptilienne ni tapi au fond du lac : il attend l'heure du
réveil, embusqué en chacun de nous.
Frédérique Ahond
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