La nuit attendra

Alors que le vénérable moine bouddhiste, Thich Nhat Hanh essaie de se remettre d'un AVC à 89 ans, je me rappel que cet homme est né et à vécu au Vietnam pendant la colonisation française, avant de devenir réfugié politique en France, où il fonda près de Bordeaux une communauté célèbre, celle du Hameau des Pruniers. Taï évoque dans ses ouvrages la persécution polie des bouddhiste par les autorité françaises, qui souhaitaient avant tout installer une culture catholique; plus tard sous la domination des communistes la persécution pris des tournures bien plus dramatiques.


En 2013 Jacques Chancel à écrit un livre "La nuit attendra", où il raconte son histoire avec l'Indochine, puisque qu'à 17 ans en mentant sur son âge, il s'engage dans les forces française en Indochine. Peut être a t il croisé Thich Nhat Hanh, c'est peu probable, car à cette époque Taï n'était qu'un simple moine. 

A Saïgon, Chancel est accueilli comme un ado talentueux, on lui demanda d'animer sur la Radio Française Libre, une émission de musique dédiée aux combattants de l'armée française. C'était ses premières armes de journaliste. Curieux, aventurier, et protéger par des relations familiales, il rencontre les plus grands, jusqu'à la famille Impériale. Devenu aveugle suite à une blessure lorsque sa Jeep sauta sur une mine, il resta dans ce beau pays en convalescence plusieurs mois, afin de retrouver le jour, d'où le titre de cet ouvrage. Ce livre est époustouflant d'anecdotes et de récits sur la présence de l'armée française à Saïgon, sur les combats dans la jungle, et surtout sur le monde des occidentaux présents la bas en tant que journalistes ou colons. Chancel resta sur place plusieurs années et son récit est étonnant. C'est un témoignage très différent de ce que l'on a l'habitude de lire, c'est une écriture poétique, dense et souvent pudique. C'est l'un des plus beau livre que j'ai pu lire ces dernières années. Le récent décès de Jacques Chancel ferme une mémoire qui aurait pu se répandre en de nombreux tomes, il n'y en aura qu'un celui de "La nuit attendra".
Ce récit vu du coté armée française, nous montre un pays magnifique évoqué par Thich Nhat Hanh dans ses nombreux livres, deux hommes très différents par l'expérience, mais qui se retrouvent par leur regard bien particulier et leur sens de l'humanité.

J'ai aussi trouvé sur France Culture les entretiens qu'il a donné sur cette expérience de l'Indochine. Un article de Bernard Pivot évoque bien mieux que moi le dernier livre de Chancel. C.R.



 http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4773590#


Jacques Chancel le Saïgonnais,
par Bernard Pivot

Jacques Chancel s'est éteint dans la nuit de lundi à mardi. Redécouvrez la chronique littéraire de Bernard Pivot, de l’académie Goncourt, consacrée à l'homme de télévision.

En 1948, ancien élève de l'École des transmissions de Montargis, le jeune Jacques Chancel part en Indochine pour y achever son servi--ce militaire. Surtout, par esprit d'aventure. "C'est un peu de folie que j'ai en moi, une nostalgie de l'absolu." L'enfant de Bigorre a été bercé par les récits d'un oncle qui était inspecteur général des forêts du Sud-Est asiatique. Et puis il a la tête chaude. Va pour Saigon. Il n'a pas embarqué, comme la plupart de ses camarades, pour aller "casser du Viet", mais parce qu'il espère vivre plus intensément à Saigon qu'à Pau ou à Paris. Eh bien, il ne s'est pas trompé!
Récit de ses heureuses et dangereuses années d'Indochine, La nuit attendra est un document passionnant pour trois raisons. D'abord, parce qu'on y voit un jeune homme doué pour la communication, l'amitié, l'imagination, l'organisation, apprendre à devenir ce qu'il sera plus tard, le journaliste de Radioscopie, l'animateur du Grand Échiquier, et le conseiller de directeurs de chaînes de télévision. C'est déjà un touche-à-tout qui se fait reporter de guerre, animateur de radio, présentateur de spectacles, correspondant de Paris Match, intervieweur des gens bien et des bandits. Féru de jazz, il découvre la musique classique à travers Wagner. Il lit beaucoup. Il suit des cours à la faculté de droit de Saigon.
Il est le copain de Lucien Bodard, dit Lulu, dit Bouddha, qui écrit les meilleurs reportages sans aller sur le terrain, et de Pierre Schoendoerffer, qu'il admire et qu'il ne pourra empêcher de se faire parachuter sur Diên Biên Phu. Tout Saigon connaît le jeune Jacques Chancel, qui connaît tout Saigon, exactement comme, vingt ans plus tard, tout Paris connaîtra Jacques Chancel, qui connaîtra tout ce que la capitale contient de politiques, d'écrivains, de musiciens, d'artistes, de scientifiques, etc. Il aura toujours collectionné les sympathies et suscité confidences publiques ou privées. C'est en Indochine qu'il a fait son éducation professionnelle et sentimentale.

«Optimiste par morale et par hygiène, le jeune Français est cependant de plus en plus éprouvé par la disparition violente d'amis...»

Deuxième raison pour laquelle La nuit attendra est un document captivant : la peinture de la société saïgonnaise de l'époque coloniale. Ses hauts lieux : l'hôtel Continental, "un salon mondain et un coupe-gorge", le Grand Monde, "immense cirque de tous les plaisirs", le Cercle sportif, club très privé, l'Alliance française, les fumeries d'opium… Et quelle faune! Hauts gradés, Eurasiens, mandarins, chefs de guerre, intellectuels, putains, légionnaires, bourgeois, truands, trafiquants, musiciens, administrateurs, journalistes, espions, danseuses, planteurs… "Ne faites confiance à personne", avait-on conseillé à Chancel dès son arrivée. Voici le fantoche Bao Dai et la ravissante impératrice pour laquelle le mémorialiste a un retour de flamme. Voilà le talentueux mais peu amène romancier Jean Hougron. Un légionnaire fait une brillante conférence sur Proust, Joséphine Baker chante et danse, on vit gaiement à quelques kilomètres de la guerre. Mais pourquoi beaucoup de ces personnages parlent-ils avec autant d'emphase, et, parfois, Chancel lui-même?

Enfin, La nuit attendra est un témoignage à la fois accablant et émouvant sur la débâcle militaire. Plus l'encerclement par les Viets se fait pressant, plus les attaques de postes sont meurtrières, plus s'installe un sentiment d'abandon. La France est loin et se fait de plus en plus distante. Les soldats sont gagnés par la conviction qu'on les a envoyés se faire tuer pour rien et que la guerre est déjà perdue. Chancel visite un poste dont le chef, seul gradé au milieu d'une centaine de partisans vietnamiens, n'a pas été relevé depuis dix mois. Il est convaincu que l'état-major considère que son sort est de mourir. "Je sentais confusément, écrit Chancel, que nous allions droit à un anéantissement." Diên Biên Phu ne tardera plus.

Un jour, invité par un capitaine à suivre une opération militaire, Jacques Chancel prend place à côté de lui dans la Jeep de commandement. Le pont de Khanh Hoi est miné. La voiture saute. Après plusieurs jours de coma, il se réveille aveugle. Il lui faudra de nombreux mois de patience, de rééducation, de marche fantomatique avec une canne blanche pour recouvrer, lentement, très lentement, la lumière et ses nombreuses activités.
Optimiste par morale et par hygiène, le jeune Français est cependant de plus en plus éprouvé par la disparition violente d'amis, de soldats qu'il assiste dans leurs derniers instants, par les corps mutilés dans les hôpitaux. La mort lui devient familière, le chagrin permanent. L'aventure était absurde. Pour Chancel, ce fut quand même une belle aventure.


lundi 25 novembre 2013
  Paru dans leJDD

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